Interview Éric Decouty – L’Affaire Martin Kowal

Eric Decouty - L'Afaire Martin Kowal - Liana Levi - Milieu Hostile - polar Giscard politique

Avec L’Affaire Martin Kowal, son troisième roman chez Liana Levi, Éric Decouty nous emmène fouiller les poubelles de l’histoire de France pendant le gouvernement Giscard. Brigades internationales, barbouzes, dictatures sud-américaines, ancien de l’OAS, RG, DST, rien ne manque à ce polar parfaitement documenté et ancré dans les années 1970.

D’où vous est venue cette idée de fouiller l’arrière-cour du septennat de Valéry Giscard d’Estaing ? Vous me direz, il y a là de la matière à écrire des polars, comme vous le montrez.
Éric Decouty :
Au départ, il y a une envie d’explorer les années 1970. C’est une période fascinante mais qui, paradoxalement, est un peu tombée dans les limbes. La littérature ne s’est gère emparée de cette période coincée entre le gaullisme et le mitterrandisme. Pompidou, Giscard ont, me semble-t-il, largement disparu de la mémoire collective. Pourtant, ces années 70 sont incroyablement riches et formidablement nourricières pour le roman, le roman noir en particulier.
J’ai donc commencé par me plonger dans les années Pompidou avec mon précédant roman, La Femme de pouvoir. Giscard est ensuite arrivé naturellement… Ce qui est très intéressant dans cette période c’est qu’elle marque une rupture, en particulier sur la question des mœurs. Ces années 70 sont colorées, joyeuses, libres. Mais derrière cette modernité apparente incarnée par Giscard, jeune président qui tranchait dans sa pratique du pouvoir avec ses prédécesseurs, les coulisses sont sombres et glauques. La réalité de ce pouvoir ce sont des compromissions, de la corruption, mais aussi du sang. Il faut se souvenir que trois ministres ont été assassinés durant les années 70. Les crimes étaient alors légion dans les rues de Paris. Enfin, il y a à la fin de cette décennie, la montée du terrorisme, celui de l’extrême gauche qui va bouleverser profondément l’Europe, mais il existe aussi un terrorisme d’extrême droite tout aussi sanglant.
C’est donc ce contexte historique passionnant, puissant et pour partie mal connu, notamment des plus jeunes, que j’ai voulu montrer par la fiction. Le roman noir est, pour moi, le meilleur et le plus efficace outil pour décrire cette réalité.

Eric Decouty - L'Afaire Martin Kowal - La Femme de pouvoir - Liana Levi - Milieu Hostile - polar Giscard politique

L’Affaire Martin Kowal est en effet particulièrement bien ancré dans le réel, on entend parler de l’affaire Ranucci, du Casse du siècle… Par ces petites touches vous plantez le décor du roman, comment avez-vous abordé tout ceci ?
J’ai assez peu connu les années 1970. Le premier axe de mon travail consistait donc à effectuer des recherches. Je dois reconnaître que mon ancien métier de journaliste d’investigation, m’a aidé dans cette démarche. J’ai donc beaucoup lu : des livres bien sûr, mais aussi des archives policières et judiciaires. J’ai également rencontré des acteurs directs ou indirects de cette période. Il ne s’agit absolument pas d’un travail d’historien, une telle prétention serait ridicule, mais plutôt d’une imprégnation du réel. J’écris des romans, des fictions qui s’inscrivent dans le réel d’où l’importance d’être au plus près de celui-ci, que ce soit dans les faits ou dans les descriptions des lieux, des costumes. À partir du moment où « je tiens » ce décor historique, ma liberté de romancier est totale.
Encore une fois, ce que je trouve passionnant dans le roman noir – et mes grands maîtres du genre que sont Ellroy, Lehane, Peace, DeLillo, Thompson, Lecorre, Jonquet, Fajardie, en ont déjà brillamment fait la démonstration – c’est qu’il est le plus puissant instrument de traduction du réel.

Un des grands axes de L’Affaire Martin Kowal est l’instauration des diverses dictatures en Amérique du Sud et les politiques d’exécutions des opposants menées sur et hors de leurs territoires. À ce sujet, vous citez d’abondantes sources, d’où vous est venue l’idée et comment avez-vous travaillé toute cette documentation qui ne se sent pas dans le roman, qui n’alourdit pas la narration ?
Merci. Votre remarque me fait plaisir parce qu’une des difficultés, liée sans doute à mon long passé de journaliste, est de parvenir à m’émanciper du réel. Je m’explique. L’accumulation de documents, des témoignages, peut rapidement devenir un carcan avec la tentation d’être le plus respectueux possible de la réalité historique. Je dois parfois me battre avec cette tentation pour redonner la priorité à la fiction. Il s’agit d’abord d’écrire une histoire. Une petite histoire au service de la grande histoire. Un roman.
Pour ce qui est du rapport entre la France et les dictatures sud-américaines, j’ai été très marqué par un formidable documentaire diffusé en 2003, de Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l’école française. Il a été à la fois un déclencheur et une source d’inspiration. Ces liens, puisqu’il s’agit bien de liens entre le pouvoir giscardien et l’Argentine de Videla et le Chili de Pinochet, sont très méconnus du grand public, certains des plus sombres et probablement les plus secrets. Voilà pourquoi j’ai voulu en faire le cœur de L’Affaire Martin Kowal. J’espère que le roman aidera le lecteur à découvrir cette autre facette du giscardisme.

Eric Decouty - L'Afaire Martin Kowal - La Femme de pouvoir - Liana Levi - Milieu Hostile - polar Giscard politique

Vous évoquez le soutien de la France à ces mouvements et en annexe de votre livre, vous expliquez qu’une commission d’enquête parlementaire a été envisagée afin d’établir « le rôle de la France dans le soutien aux régimes militaires d’Amérique du Sud entre 1973 et la fin des années 70 », mais qu’Édouard Balladur s’y est opposé.
Oui, après la diffusion du documentaire de Marie-Monique Robin, une commission d’enquête parlementaire a failli voir le jour. L’objectif était de révéler la collaboration entre la France et les dictatures sud-américaines, notamment dans la sinistre Opération Condor. Rappelons que ces régimes militaires avaient mis au point une méthode d’élimination de leurs opposants, sur leurs territoires mais également à l’étranger. Des milliers de personnes ont ainsi été assassinées ou ont disparu. Cela aurait pu être un moment de vérité historique, mais Édouard Balladur, alors président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale, s’est opposé à cette enquête. La vérité historique n’est donc toujours pas officiellement établie. La France, ou du moins ses responsables politiques, a décidément du mal à regarder en face le passé. Cela concerne tous les gouvernements successifs de droite et de gauche et le pouvoir actuel aussi.

Dans le même esprit, vous revenez sur l’affaire de Broglie, jamais véritablement élucidée, qui a fini classée secret défense, le dossier ne pourrait visiblement être ouvert qu’en 2026, vous nous en dites plus ?
L’assassinat du prince de Broglie, ancien ministre du général de Gaulle, le 24 décembre 1976 est un épisode secondaire mais déterminant dans L’Affaire Martin Kowal.
Dans la mesure où il n’a jamais été vraiment élucidé, j’ai livré une lecture personnelle de l’histoire mais elle n’est peut-être pas si éloignée de la vérité… Pour moi il s’agit d’une des énigmes les plus fascinantes du siècle car elle porte tous les symptômes des dérives politiques des années 1970 et du pouvoir giscardien en particulier : l’affairisme, la corruption, la manipulation de la police, des services secrets mais aussi de la justice, les compromissions avec des forces occultes et le passé inavouable de l’entourage immédiat de Giscard, à savoir l’OAS. L’affaire de Broglie a probablement coûté à Michel Poniatowski son portefeuille de ministre de l’Intérieur, mais il a néanmoins réussi à faire classer ses archives secrets défense. Est-ce que leur déclassification permettra d’élucider le mystère ? J’en doute dans la mesure où tout laisse à penser que les éléments confondants ont été détruits et les principaux acteurs disparus.

C’est une période fascinante mais qui, paradoxalement, est un peu tombée dans les limbes. La littérature ne s’est gère emparée de cette période coincée entre le gaullisme et le mitterrandisme. […] Pourtant, ces années 70 sont incroyablement riches et formidablement nourricières pour le roman, le roman noir en particulier.

Dans votre roman on croise Michel Poniatowski, Robert Pandraud et d’autres et vous vous accordez une licence littéraire en mettant en scène Robert Biseau, conseiller spécial de Giscard. Comment l’avez-vous créé ?
La liberté du romancier permet d’explorer plus en profondeur les rouages d’une machine, notamment lorsqu’elle est politique. Ponia et Pandraud ont naturellement existé. Robert Biseau en revanche est un personnage de fiction mais très inspiré de personnages réels. Il y avait dans l’entourage de Giscard des hommes de l’ombre, qui faisaient le lien entre le parti du président et différents groupes d’extrême droite, des anciens de l’OAS, des forces qui avaient choisi très tôt de le soutenir. Biseau illustre cette autre dimension, particulièrement noire, du giscardisme.

Et avec ce Biseau, la DST, les RG, les truands… vous remontez le cours de l’histoire avec la fin de l’OAS et ses membres disséminés un peu partout. Vous nous expliquez les conséquences ?
Martin Kowal, qui est un jeune flic des RG, un peu paumé, porteur d’un lourd fardeau familial, va, à partir du meurtre de l’ambassadeur de Bolivie, remonter le fil de l’histoire. Son enquête, qui est une « petite histoire », va se heurter à la grande histoire, inavouable, farouchement protégée par le pouvoir. Je laisse au lecteur le soin de découvrir les conséquences pour mon héros, quant aux citoyens je peux juste lui confirmer que le secret, officiellement, reste bien gardé.

À lire aussi : Interview avec Benjamin Dierstein : une trilogie effrénée

 

C’est votre troisième roman chez Liana Levi, le second consacré à cette période. Que nous réservez-vous pour le prochain ?
Le prochain marquera la fin de ma trilogie sur les années 1970. Il sera question des meurtres d’Henri Curiel et de Pierre Goldman et de beaucoup d’autres, moins connus. Il traitera d’une période incroyablement sanglante où le grand banditisme et les officines proches du pouvoir politique, mais aussi les services secrets, jouent des rôles clés. Ce troisième volet sera probablement le plus rouge (sang) et le plus noir.

Pour aller plus loin…

… et en attendant ce troisième volet sur les années 1970, vous pouvez aller voir l’excellent film Le Procès Goldman de Cédric Kahn.
Les romans d’Éric Decouty sont édités chez Liana Levi

 

Interview Éric Decouty - L’Affaire Martin Kowal - Milieu Hostile

Interview Éric Decouty – L’Affaire Martin Kowal

Eric Decouty - L'Afaire Martin Kowal - Liana Levi - Milieu Hostile - polar Giscard politique

Avec L’Affaire Martin Kowal, son troisième roman chez Liana Levi, Éric Decouty nous emmène fouiller les poubelles de l’histoire de France pendant le gouvernement Giscard. Brigades internationales, barbouzes, dictatures sud-américaines, ancien de l’OAS, RG, DST, rien ne manque à ce polar parfaitement documenté et ancré dans les années 1970.

D’où vous est venue cette idée de fouiller l’arrière-cour du septennat de Valéry Giscard d’Estaing ? Vous me direz, il y a là de la matière à écrire des polars, comme vous le montrez.
Éric Decouty :
Au départ, il y a une envie d’explorer les années 1970. C’est une période fascinante mais qui, paradoxalement, est un peu tombée dans les limbes. La littérature ne s’est gère emparée de cette période coincée entre le gaullisme et le mitterrandisme. Pompidou, Giscard ont, me semble-t-il, largement disparu de la mémoire collective. Pourtant, ces années 70 sont incroyablement riches et formidablement nourricières pour le roman, le roman noir en particulier.
J’ai donc commencé par me plonger dans les années Pompidou avec mon précédant roman, La Femme de pouvoir. Giscard est ensuite arrivé naturellement… Ce qui est très intéressant dans cette période c’est qu’elle marque une rupture, en particulier sur la question des mœurs. Ces années 70 sont colorées, joyeuses, libres. Mais derrière cette modernité apparente incarnée par Giscard, jeune président qui tranchait dans sa pratique du pouvoir avec ses prédécesseurs, les coulisses sont sombres et glauques. La réalité de ce pouvoir ce sont des compromissions, de la corruption, mais aussi du sang. Il faut se souvenir que trois ministres ont été assassinés durant les années 70. Les crimes étaient alors légion dans les rues de Paris. Enfin, il y a à la fin de cette décennie, la montée du terrorisme, celui de l’extrême gauche qui va bouleverser profondément l’Europe, mais il existe aussi un terrorisme d’extrême droite tout aussi sanglant.
C’est donc ce contexte historique passionnant, puissant et pour partie mal connu, notamment des plus jeunes, que j’ai voulu montrer par la fiction. Le roman noir est, pour moi, le meilleur et le plus efficace outil pour décrire cette réalité.

Eric Decouty - L'Afaire Martin Kowal - La Femme de pouvoir - Liana Levi - Milieu Hostile - polar Giscard politique

L’Affaire Martin Kowal est en effet particulièrement bien ancré dans le réel, on entend parler de l’affaire Ranucci, du Casse du siècle… Par ces petites touches vous plantez le décor du roman, comment avez-vous abordé tout ceci ?
J’ai assez peu connu les années 1970. Le premier axe de mon travail consistait donc à effectuer des recherches. Je dois reconnaître que mon ancien métier de journaliste d’investigation, m’a aidé dans cette démarche. J’ai donc beaucoup lu : des livres bien sûr, mais aussi des archives policières et judiciaires. J’ai également rencontré des acteurs directs ou indirects de cette période. Il ne s’agit absolument pas d’un travail d’historien, une telle prétention serait ridicule, mais plutôt d’une imprégnation du réel. J’écris des romans, des fictions qui s’inscrivent dans le réel d’où l’importance d’être au plus près de celui-ci, que ce soit dans les faits ou dans les descriptions des lieux, des costumes. À partir du moment où « je tiens » ce décor historique, ma liberté de romancier est totale.
Encore une fois, ce que je trouve passionnant dans le roman noir – et mes grands maîtres du genre que sont Ellroy, Lehane, Peace, DeLillo, Thompson, Lecorre, Jonquet, Fajardie, en ont déjà brillamment fait la démonstration – c’est qu’il est le plus puissant instrument de traduction du réel.

Un des grands axes de L’Affaire Martin Kowal est l’instauration des diverses dictatures en Amérique du Sud et les politiques d’exécutions des opposants menées sur et hors de leurs territoires. À ce sujet, vous citez d’abondantes sources, d’où vous est venue l’idée et comment avez-vous travaillé toute cette documentation qui ne se sent pas dans le roman, qui n’alourdit pas la narration ?
Merci. Votre remarque me fait plaisir parce qu’une des difficultés, liée sans doute à mon long passé de journaliste, est de parvenir à m’émanciper du réel. Je m’explique. L’accumulation de documents, des témoignages, peut rapidement devenir un carcan avec la tentation d’être le plus respectueux possible de la réalité historique. Je dois parfois me battre avec cette tentation pour redonner la priorité à la fiction. Il s’agit d’abord d’écrire une histoire. Une petite histoire au service de la grande histoire. Un roman.
Pour ce qui est du rapport entre la France et les dictatures sud-américaines, j’ai été très marqué par un formidable documentaire diffusé en 2003, de Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l’école française. Il a été à la fois un déclencheur et une source d’inspiration. Ces liens, puisqu’il s’agit bien de liens entre le pouvoir giscardien et l’Argentine de Videla et le Chili de Pinochet, sont très méconnus du grand public, certains des plus sombres et probablement les plus secrets. Voilà pourquoi j’ai voulu en faire le cœur de L’Affaire Martin Kowal. J’espère que le roman aidera le lecteur à découvrir cette autre facette du giscardisme.

Eric Decouty - L'Afaire Martin Kowal - La Femme de pouvoir - Liana Levi - Milieu Hostile - polar Giscard politique

Vous évoquez le soutien de la France à ces mouvements et en annexe de votre livre, vous expliquez qu’une commission d’enquête parlementaire a été envisagée afin d’établir « le rôle de la France dans le soutien aux régimes militaires d’Amérique du Sud entre 1973 et la fin des années 70 », mais qu’Édouard Balladur s’y est opposé.
Oui, après la diffusion du documentaire de Marie-Monique Robin, une commission d’enquête parlementaire a failli voir le jour. L’objectif était de révéler la collaboration entre la France et les dictatures sud-américaines, notamment dans la sinistre Opération Condor. Rappelons que ces régimes militaires avaient mis au point une méthode d’élimination de leurs opposants, sur leurs territoires mais également à l’étranger. Des milliers de personnes ont ainsi été assassinées ou ont disparu. Cela aurait pu être un moment de vérité historique, mais Édouard Balladur, alors président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale, s’est opposé à cette enquête. La vérité historique n’est donc toujours pas officiellement établie. La France, ou du moins ses responsables politiques, a décidément du mal à regarder en face le passé. Cela concerne tous les gouvernements successifs de droite et de gauche et le pouvoir actuel aussi.

Dans le même esprit, vous revenez sur l’affaire de Broglie, jamais véritablement élucidée, qui a fini classée secret défense, le dossier ne pourrait visiblement être ouvert qu’en 2026, vous nous en dites plus ?
L’assassinat du prince de Broglie, ancien ministre du général de Gaulle, le 24 décembre 1976 est un épisode secondaire mais déterminant dans L’Affaire Martin Kowal.
Dans la mesure où il n’a jamais été vraiment élucidé, j’ai livré une lecture personnelle de l’histoire mais elle n’est peut-être pas si éloignée de la vérité… Pour moi il s’agit d’une des énigmes les plus fascinantes du siècle car elle porte tous les symptômes des dérives politiques des années 1970 et du pouvoir giscardien en particulier : l’affairisme, la corruption, la manipulation de la police, des services secrets mais aussi de la justice, les compromissions avec des forces occultes et le passé inavouable de l’entourage immédiat de Giscard, à savoir l’OAS. L’affaire de Broglie a probablement coûté à Michel Poniatowski son portefeuille de ministre de l’Intérieur, mais il a néanmoins réussi à faire classer ses archives secrets défense. Est-ce que leur déclassification permettra d’élucider le mystère ? J’en doute dans la mesure où tout laisse à penser que les éléments confondants ont été détruits et les principaux acteurs disparus.

C’est une période fascinante mais qui, paradoxalement, est un peu tombée dans les limbes. La littérature ne s’est gère emparée de cette période coincée entre le gaullisme et le mitterrandisme. […] Pourtant, ces années 70 sont incroyablement riches et formidablement nourricières pour le roman, le roman noir en particulier.

Dans votre roman on croise Michel Poniatowski, Robert Pandraud et d’autres et vous vous accordez une licence littéraire en mettant en scène Robert Biseau, conseiller spécial de Giscard. Comment l’avez-vous créé ?
La liberté du romancier permet d’explorer plus en profondeur les rouages d’une machine, notamment lorsqu’elle est politique. Ponia et Pandraud ont naturellement existé. Robert Biseau en revanche est un personnage de fiction mais très inspiré de personnages réels. Il y avait dans l’entourage de Giscard des hommes de l’ombre, qui faisaient le lien entre le parti du président et différents groupes d’extrême droite, des anciens de l’OAS, des forces qui avaient choisi très tôt de le soutenir. Biseau illustre cette autre dimension, particulièrement noire, du giscardisme.

Et avec ce Biseau, la DST, les RG, les truands… vous remontez le cours de l’histoire avec la fin de l’OAS et ses membres disséminés un peu partout. Vous nous expliquez les conséquences ?
Martin Kowal, qui est un jeune flic des RG, un peu paumé, porteur d’un lourd fardeau familial, va, à partir du meurtre de l’ambassadeur de Bolivie, remonter le fil de l’histoire. Son enquête, qui est une « petite histoire », va se heurter à la grande histoire, inavouable, farouchement protégée par le pouvoir. Je laisse au lecteur le soin de découvrir les conséquences pour mon héros, quant aux citoyens je peux juste lui confirmer que le secret, officiellement, reste bien gardé.

À lire aussi : Interview avec Benjamin Dierstein : une trilogie effrénée

 

C’est votre troisième roman chez Liana Levi, le second consacré à cette période. Que nous réservez-vous pour le prochain ?
Le prochain marquera la fin de ma trilogie sur les années 1970. Il sera question des meurtres d’Henri Curiel et de Pierre Goldman et de beaucoup d’autres, moins connus. Il traitera d’une période incroyablement sanglante où le grand banditisme et les officines proches du pouvoir politique, mais aussi les services secrets, jouent des rôles clés. Ce troisième volet sera probablement le plus rouge (sang) et le plus noir.

Pour aller plus loin…

… et en attendant ce troisième volet sur les années 1970, vous pouvez aller voir l’excellent film Le Procès Goldman de Cédric Kahn.
Les romans d’Éric Decouty sont édités chez Liana Levi