Mare of Easttown, le silence des petites villes

Nous avons vu la mini-série Mare of Easttown, créée par Brad Ingelsby, avec, entre autres, Kate Winslet et Guy Pearce, qui se passe dans la petite ville d’Easttown en Pennsylvanie.

L’histoire est simple : alors que la sergente Mare Sheehan reprend l’enquête sur la disparition non élucidée d’une adolescente, une autre est retrouvée assassinée. Le tout se passe à Easttown en Pennsylvanie, l’archétype de la petite ville où tout le monde connaît tout le monde, à tel point que, comme Mare, on peut se retrouver à vivre en face de son ex – avec presque un jardin commun.

Mare et ses failles

Ce qui est excellent dans la série Mare of Easttown, c’est que, rapidement, on se demande si Mare est vraiment une bonne flic. Certes, elle a l’esprit englué dans son passé douloureux (le suicide de son fils avec qui, visiblement, la relation était compliquée, ce deuil non fait, son couple qui a explosé, la garde de son petit-fils qui risque de lui être ôtée), mais cela ne peut pas forcément expliquer son comportement : elle fonce comme un buffle, se retrouvant à enquêter erratiquement, à interroger des gens n’importe comment, souvent même en dehors de toute procédure.
Son manque de tact l’amène par exemple à courir chez son ex à 22 heures, alors qu’il est en plein repas avec famille et amis pour préparer son futur mariage, pour lui demander si ce ne serait pas lui le père de l’enfant de l’adolescente assassinée. On ne sait pas toujours si ce manque de délicatesse ne couvre pas une absence de techniques d’investigation et d’interrogatoire ou un trop-plein émotionnel, à la limite du burn-out, qu’elle ne sait gérer. D’ailleurs, le nouveau collègue de Mare lui fera remarquer qu’elle est trop impliquée émotionnellement pour mener cette enquête.
Ce personnage, qui n’est pas fait pour être aimable mais qui n’en reste pas moins attachant, est vraiment bien construit. Ses relations explosives avec sa mère sont excellentes, les dialogues fusent, ils sont aussi drôles que percutants et ils amènent une dose d’humour salutaire dans ce marécage sombre qu’est la ville.

À lire aussi : Vigil : thriller à bord d’un sous-marin

Un scénario qui joue avec les codes du genre

Les sept épisodes de la mini-série reprennent tous les poncifs du genre policier : enquêteurs peinent à trouver une piste, traque du suspect, ambiance glauque à la Seven chez un suspect et, bien sûr, les jeunes filles assassinées. Ce qui pourrait être une succession de clichés dans une série bâclée est ici intelligemment exploité. On ne sait jamais qui est le meurtrier, ce n’est pas lié à un scénario retors propre à brouiller les pistes, un jeu terrifiant avec le spectateur, une succession d’artifices scénaristiques, non, c’est juste que de multiples pistes sont envisagées et que, comme personne ne parle dans cette ville – chacun étant lié à l’autre –, tout le monde a un petit quelque chose à cacher qui pourrait en faire un suspect probable. Les cliffhangers ne sont pas seulement là pour faire des twists qui vont épater le spectateur par son retournement et lui donner envie d’enchaîner tous les épisodes d’un seul coup, mais bien pour faire progresser l’histoire intelligemment.

Mare of Easttown est une série de parcours brisés, la vie n’est pas facile dans les bleds américains lorsqu’on ne peut s’en extraire. Mais là, il n’y a rien de misérabiliste, juste une étude de genre.

Enfin, on ne peut parler de la série sans louer le jeu de Kate Winslet qui se métamorphose totalement dans le rôle de Mare. Tantôt acariâtre, tantôt brisée, mais toujours touchante. Une grande actrice caméléon auquel le magazine d’Arte, Blow up, a consacré une vidéo.