Interview Caryl Ferey : Condor

Caryl Ferey - interview Condor Série Noire Caryl Ferey - Crédit photo C. Herlie / Gallimard

Après Mapuche, qui se situait en Argentine, Condor, deuxième roman sud-américain de Caryl Ferey se déroule au Chili. Continuité de lieux, de préoccupations, nous avons interrogé l’auteur de passage à Bordeaux, entre rencontre en librairie et somptueuse lecture musicale.

Tu mets en général quatre ans avant de publier tes livres, celui-ci, tu t’en expliques dans « en guise de bibliographie », a été compliqué à réaliser. Parle-nous de ton travail, ta relation avec Aurélien Masson ton éditeur, de ces six versions et de ce roman qu’on aurait pu ne jamais lire ? Ou pas ?
On se voit tous les mois avant même de lire une ligne, pour parler du roman à venir, les personnages, etc, puis il lit les différentes versions durant les trois années d’écriture. Il me recadre, sait que je veux en faire trop, ajuste, me dit quand c’est mauvais, m’encourage toujours. C’est un rapport privilégié.

J’ai l’impression que plus la chronique t’aime, plus ils veulent te coller des qualificatifs. Alors comment te sens-tu face à « Écrivain voyageur » ou « maitre du thriller des grands espaces et de l’ailleurs » comme l’écrit ton éditeur en quatrième de couverture ? (Condor étant quand même très urbain…)
On est toujours plus blessé par une critique assassine (je n’ai pas de style, hoho) que par un compliment. J’essaie d’éviter les deux.

Comme Patrick Bard, tu as un côté très ethnologue dans la préparation de tes romans. Celui-ci est le second en Amérique Latine, alors parle-nous de leurs préparations : voyages, rencontres, lectures…
D’abord un an de documentation et un premier voyage de repérage, deux ans d’écriture, un deuxième voyage, un an d’écriture. Quatre ans en immersion.

Condor - Interview Caryl Ferey Gallimard Série NoireEt à quel moment t’es-tu mis à l’espagnol ? En parlant d’espagnol, Mapuche a-t-il été traduit en espagnol et as-tu eu des retours argentins dessus ?
Non, pas de retours encore. J’ai réappris l’espagnol après mon premier voyage. Ils ne parlent pas du tout anglais. Je parle mal mais je comprends et lis la presse.

Mapuche, l’Argentine après la dictature de Videla, Condor après celle de Pinochet. Tu me diras, nombreux sont les pays sud-américains à avoir subi la dictature, mais quel est ton rapport à l’histoire ?
Je choisis les pays selon leur histoire, justement. L’oppression est assez présente sur Terre, non ?

Sur ton site, où tu classes tes livres entre les mieux et les nazes – tu nous en diras deux mots – on peut lire « Condor est aussi bien différent de mes autres livres « étrangers » : la violence y est moins brute (l’insécurité au Chili est sociale), le chaos plus psychologique, avec un rapport quasi mystique entre les personnages d’Esteban et Gabriela. Il y a surtout un roman dans le roman, pierre angulaire du livre, explorant d’autres territoires du polar. » Ce sont de nouvelles pistes d’écriture que tu voulais explorer ou c’est venu pendant l’écriture ?
J’essaie d’explorer de nouvelles pistes, ne serait-ce que pour ne pas me répéter. L’écriture m’intéresse au premier chef, au-delà de l’histoire. J’essaie d’introduire des choses qu’on ne voit pas trop, comme « L’infini cassé »… Quant à mes livres nazes, il fallait bien commencer quelque part – et parfois payer son loyer !

Mapuche - Interview Caryl Ferey Gallimard Série NoireL’écriture aussi change, phénomène naturel ? inconscient ? travaillé ?
Les trois. Mais c’est travaillé surtout. Encore une fois, ne pas me répéter, sachant que le genre et l’histoire de ces pays sont proches. Il n’y a que l’écriture pure qui peut donner du relief.

Quel a été l’élément déclencheur dans ton livre (un fait, un personnage…) et comment l’as-tu construit ?
J’avais mes contacts mapuche au Chili, c’est en les rencontrant que j’ai décidé d’écrire sur ce pays. Après, tout vient en fouinant dans les poubelles de l’histoire, et du présent.

Tu réussis le coup de force de présenter l’état du pays depuis la dictature sans grands paragraphes explicatifs ou notes de bas de pages tout en gardant le rythme. Comment as-tu fait ?
Je tire les leçons de mes autres livres, parfois plus explicatifs. Là, il fallait que tout passe par les personnages. Sacré casse-tête.

Temps et politique Les recompositions de l'identité - Anne MuxelAujourd’hui on peut lire (j’avoue ne pas l’avoir encore fait) Identités, temporalités et politiques  les thrillers de Caryl Ferey par Janine Mossuz-Lavau dans Les recompositions de l’identité sous la direction de Anne Muxel aux Presses de Sciences Po… ça fait quoi ?
Rire.

Quel rapport entretiens-tu avec le cinéma qui est très présent dans ton livre?
J’ai vécu des moments inoubliables avec Zulu en film – Cannes, la rencontre avec Jérôme Salle, les acteurs.. J’ai aussi toujours adoré le cinéma US des années 70. C’est un hommage.

Et la musique ?
J’écoute tout le temps de la musique (rock) en écrivant, très fort. Ça me donne le rythme.

On ne va pas passer au crible ton roman, mais pour finir, quelques rapides questions :

– Le roman dans le roman et la poésie
C’est la pierre angulaire du livre, le supplément d’armes…

– Le quartier de La Victoria
On s’est fait braquer par « el chuque » là-bas. J’étais dans mon livre, à fond !

– Gabriela, la machi Ana, les transes – assisté ? lues ?
Oui, j’ai rencontré et assisté à une cérémonie… Je vais écrire un truc là-dessus.

– Le pisco sour
J’adore

Ce roman dans le roman fait l’objet d’une somptueuse lecture musicale avec Bertrand Cantat, Manusound et Marc Sens, comment est né ce projet ? Comment y as-tu participé ?
J’ai retrouvé Bertrand, que je connais de longue date, à un festival. Il avait aussi envie de travailler avec Marc Sens, le guitariste, on a bu des verres et c’était parti. Au final, une des plus belles réalisations de ma vie.

Et pour finir, maintenant que ce gros projet est terminé, aurons-nous le droit au retour de Mac Cash ?
Oui !

Merci

Pour aller plus loin

Le site de l’auteur

Interview Caryl Ferey : Condor - Milieu Hostile

Interview Caryl Ferey : Condor

Caryl Ferey - interview Condor Série Noire Caryl Ferey - Crédit photo C. Herlie / Gallimard

Après Mapuche, qui se situait en Argentine, Condor, deuxième roman sud-américain de Caryl Ferey se déroule au Chili. Continuité de lieux, de préoccupations, nous avons interrogé l’auteur de passage à Bordeaux, entre rencontre en librairie et somptueuse lecture musicale.

Tu mets en général quatre ans avant de publier tes livres, celui-ci, tu t’en expliques dans « en guise de bibliographie », a été compliqué à réaliser. Parle-nous de ton travail, ta relation avec Aurélien Masson ton éditeur, de ces six versions et de ce roman qu’on aurait pu ne jamais lire ? Ou pas ?
On se voit tous les mois avant même de lire une ligne, pour parler du roman à venir, les personnages, etc, puis il lit les différentes versions durant les trois années d’écriture. Il me recadre, sait que je veux en faire trop, ajuste, me dit quand c’est mauvais, m’encourage toujours. C’est un rapport privilégié.

J’ai l’impression que plus la chronique t’aime, plus ils veulent te coller des qualificatifs. Alors comment te sens-tu face à « Écrivain voyageur » ou « maitre du thriller des grands espaces et de l’ailleurs » comme l’écrit ton éditeur en quatrième de couverture ? (Condor étant quand même très urbain…)
On est toujours plus blessé par une critique assassine (je n’ai pas de style, hoho) que par un compliment. J’essaie d’éviter les deux.

Comme Patrick Bard, tu as un côté très ethnologue dans la préparation de tes romans. Celui-ci est le second en Amérique Latine, alors parle-nous de leurs préparations : voyages, rencontres, lectures…
D’abord un an de documentation et un premier voyage de repérage, deux ans d’écriture, un deuxième voyage, un an d’écriture. Quatre ans en immersion.

Condor - Interview Caryl Ferey Gallimard Série NoireEt à quel moment t’es-tu mis à l’espagnol ? En parlant d’espagnol, Mapuche a-t-il été traduit en espagnol et as-tu eu des retours argentins dessus ?
Non, pas de retours encore. J’ai réappris l’espagnol après mon premier voyage. Ils ne parlent pas du tout anglais. Je parle mal mais je comprends et lis la presse.

Mapuche, l’Argentine après la dictature de Videla, Condor après celle de Pinochet. Tu me diras, nombreux sont les pays sud-américains à avoir subi la dictature, mais quel est ton rapport à l’histoire ?
Je choisis les pays selon leur histoire, justement. L’oppression est assez présente sur Terre, non ?

Sur ton site, où tu classes tes livres entre les mieux et les nazes – tu nous en diras deux mots – on peut lire « Condor est aussi bien différent de mes autres livres « étrangers » : la violence y est moins brute (l’insécurité au Chili est sociale), le chaos plus psychologique, avec un rapport quasi mystique entre les personnages d’Esteban et Gabriela. Il y a surtout un roman dans le roman, pierre angulaire du livre, explorant d’autres territoires du polar. » Ce sont de nouvelles pistes d’écriture que tu voulais explorer ou c’est venu pendant l’écriture ?
J’essaie d’explorer de nouvelles pistes, ne serait-ce que pour ne pas me répéter. L’écriture m’intéresse au premier chef, au-delà de l’histoire. J’essaie d’introduire des choses qu’on ne voit pas trop, comme « L’infini cassé »… Quant à mes livres nazes, il fallait bien commencer quelque part – et parfois payer son loyer !

Mapuche - Interview Caryl Ferey Gallimard Série NoireL’écriture aussi change, phénomène naturel ? inconscient ? travaillé ?
Les trois. Mais c’est travaillé surtout. Encore une fois, ne pas me répéter, sachant que le genre et l’histoire de ces pays sont proches. Il n’y a que l’écriture pure qui peut donner du relief.

Quel a été l’élément déclencheur dans ton livre (un fait, un personnage…) et comment l’as-tu construit ?
J’avais mes contacts mapuche au Chili, c’est en les rencontrant que j’ai décidé d’écrire sur ce pays. Après, tout vient en fouinant dans les poubelles de l’histoire, et du présent.

Tu réussis le coup de force de présenter l’état du pays depuis la dictature sans grands paragraphes explicatifs ou notes de bas de pages tout en gardant le rythme. Comment as-tu fait ?
Je tire les leçons de mes autres livres, parfois plus explicatifs. Là, il fallait que tout passe par les personnages. Sacré casse-tête.

Temps et politique Les recompositions de l'identité - Anne MuxelAujourd’hui on peut lire (j’avoue ne pas l’avoir encore fait) Identités, temporalités et politiques  les thrillers de Caryl Ferey par Janine Mossuz-Lavau dans Les recompositions de l’identité sous la direction de Anne Muxel aux Presses de Sciences Po… ça fait quoi ?
Rire.

Quel rapport entretiens-tu avec le cinéma qui est très présent dans ton livre?
J’ai vécu des moments inoubliables avec Zulu en film – Cannes, la rencontre avec Jérôme Salle, les acteurs.. J’ai aussi toujours adoré le cinéma US des années 70. C’est un hommage.

Et la musique ?
J’écoute tout le temps de la musique (rock) en écrivant, très fort. Ça me donne le rythme.

On ne va pas passer au crible ton roman, mais pour finir, quelques rapides questions :

– Le roman dans le roman et la poésie
C’est la pierre angulaire du livre, le supplément d’armes…

– Le quartier de La Victoria
On s’est fait braquer par « el chuque » là-bas. J’étais dans mon livre, à fond !

– Gabriela, la machi Ana, les transes – assisté ? lues ?
Oui, j’ai rencontré et assisté à une cérémonie… Je vais écrire un truc là-dessus.

– Le pisco sour
J’adore

Ce roman dans le roman fait l’objet d’une somptueuse lecture musicale avec Bertrand Cantat, Manusound et Marc Sens, comment est né ce projet ? Comment y as-tu participé ?
J’ai retrouvé Bertrand, que je connais de longue date, à un festival. Il avait aussi envie de travailler avec Marc Sens, le guitariste, on a bu des verres et c’était parti. Au final, une des plus belles réalisations de ma vie.

Et pour finir, maintenant que ce gros projet est terminé, aurons-nous le droit au retour de Mac Cash ?
Oui !

Merci

Pour aller plus loin

Le site de l’auteur