Les Bonnes Manières : un sombre conte de fées

Les Bonnes Manières - Juliana Rojas - Marco Dutra - Marjorie Estiano - Isabél Zuaa - Milieu Hostile © Rui Pocas

Il serait facile et erroné de présenter Les Bonnes Manières comme un film de loup-garou. Le film de Juliana Rojas et Marco Dutra est certes un très bel exemple du genre mais s’avère beaucoup plus complexe, abordant le clivage entre les différentes classe sociales, l’amour, la maternité, et mélangeant habilement réalisme et fantastique.

Clara, jeune femme noire des quartiers populaires de São Paulo, est embauchée par Ana, riche célibataire blanche, pour s’occuper d’elle et de son luxueux appartement pendant sa grossesse. Alors que Clara, jouée par Isabél Zuaa, effectue ses tâches et reste en retrait, Ana, elle, se confie de plus en plus à son employée. Une liaison se crée entre les deux jeunes femmes tandis que Clara découvre les étranges crises de somnambulisme d’Ana.




Le conte de fées est une référence pour les deux réalisateurs brésiliens, qui affirment avoir grandi à la fois avec les dessins animés de Walt Disney et… les films d’horreur. C’est un sombre conte de fées dans lequel ils plongent leurs spectateurs. D’une part, pour la violence du loup garou, de sa transformation à sa recherche effrénée de nourriture, d’autre part, car les rapports de force sont constamment à l’œuvre dans Les Bonnes Manières, oppressant les personnages. On y voit l’opulence et la modernité des riches blancs vivant dans des gratte-ciels opposés aux quartiers pauvres où une majorité de noirs et de métisses habitent.

Plongée dans le fantastique

Les Bonnes Manières opère une plongée en douceur dans son univers fantastique. D’abord, c’est par la technique du matte painting que l’étrangeté se déploie au sein du film. Ce procédé cinématographique consiste à insérer des faux fonds, peints à la main. Les teintes employées baignent le ciel de douces couleurs violettes ou d’inquiétantes lueurs vertes les soirs de pleine lune. Cet effet visuel est un véritable atout, esthétique d’une part, mais aussi pour parsemer d’étranges éléments dans le cours d’un récit au départ très réaliste.

L’histoire se passe à Sao Paulo mais un Sao Paulo de conte de fées.

Juliana Rojas, coréalisatrice des Bonnes Manières

L’élément fantastique majeur des Bonnes Manières est bien entendu le loup-garou. Le tour de force du film est de nous faire croire à l’existence de cette bête. D’une part, car les effets spéciaux sont crédibles, d’autre part, car on ne peut s’empêcher d’éprouver la dureté de la vie de ce personnage et de ressentir pour lui de l’empathie, voire de la tendresse.

Avoir opté pour ce personnage-là n’est pas anodin pour Juliana Rojas et Marco Dutra, le mythe du loup-garou étant très ancré dans le folklore brésilien. Selon les réalisateurs, il y a même différentes raisons selon lesquelles quelqu’un pourrait devenir un loup-garou (parce qu’il n’est pas baptisé, a commis un inceste, a eu des relations sexuelles avec un prêtre…), ce avec quoi ils jouent tout au long du film.

Les Bonnes Manières - Juliana Rojas - Marco Dutra - Marjorie Estiano - Isabél Zuaa - Milieu Hostile
© Rui Pocas

Enfin, l’un des ressorts des contes de fées à la Disney est superbement exploité : la chanson originale. Magnifiant les sentiments et les itinéraires des personnages, les chansons composées pour le film sont de puissants et justes artifices. Notamment la scène dite de « la traversée », où l’aspect conte de fées sombre des Bonnes Manières est plus présent que jamais, sublimé par une chanson originale qui souffle aux personnages les réponses à leurs questionnements. Pour saisir toutes les subtilités de ces paroles, mieux vaut regarder le film en sous-titré.

Les Bonnes Manières - Juliana Rojas - Marco Dutra - Marjorie Estiano - Isabél Zuaa - Milieu Hostile

Les Bonnes Manières, un film d’amour

On peut affirmer que Les Bonnes Manières est un récit fantastique autant qu’un film sur l’amour. L’amour conjugal entre deux femmes que tout oppose, dans une première partie, puis l’amour filial, entre un enfant et sa mère, qu’elle soit biologique ou non.

La seconde partie du film en est l’exemple le plus frappant. On y voit une femme élever son fils, du mieux qu’elle peut et de tout son cœur, essayant de le protéger des autres –  et de lui-même aussi – pour qu’il puisse vivre tel qu’il est. Cette abnégation d’une mère pour son enfant est tout simplement bouleversante.

Cette dédicace de soi à l’autre, on la retrouve aussi dans la façon dont Les Bonnes Manières aborde le thème de la maternité. La grossesse d’Ana, jouée par l’épatante Marjorie Estiano, est montrée comme un sacrifice pour donner la vie. Ana s’abîme au fur et à mesure dans la solitude et sa grossesse ne semble être qu’un mal qui la ronge. Pour preuve, l’inquiétude qui envahit son visage lors des séances d’échographies, et qui se teinte de plus en plus d’effroi, jusqu’à sa délivrance.

À lire aussi : Antiviral, récit d’une fascination

Pour aller plus loin

Les Bonnes Manières sur le site d’Arte et chez le distributeur Jour2Fête

Les Bonnes Manières : un sombre conte de fées - Milieu Hostile

Les Bonnes Manières : un sombre conte de fées

Les Bonnes Manières - Juliana Rojas - Marco Dutra - Marjorie Estiano - Isabél Zuaa - Milieu Hostile © Rui Pocas

Il serait facile et erroné de présenter Les Bonnes Manières comme un film de loup-garou. Le film de Juliana Rojas et Marco Dutra est certes un très bel exemple du genre mais s’avère beaucoup plus complexe, abordant le clivage entre les différentes classe sociales, l’amour, la maternité, et mélangeant habilement réalisme et fantastique.

Clara, jeune femme noire des quartiers populaires de São Paulo, est embauchée par Ana, riche célibataire blanche, pour s’occuper d’elle et de son luxueux appartement pendant sa grossesse. Alors que Clara, jouée par Isabél Zuaa, effectue ses tâches et reste en retrait, Ana, elle, se confie de plus en plus à son employée. Une liaison se crée entre les deux jeunes femmes tandis que Clara découvre les étranges crises de somnambulisme d’Ana.




Le conte de fées est une référence pour les deux réalisateurs brésiliens, qui affirment avoir grandi à la fois avec les dessins animés de Walt Disney et… les films d’horreur. C’est un sombre conte de fées dans lequel ils plongent leurs spectateurs. D’une part, pour la violence du loup garou, de sa transformation à sa recherche effrénée de nourriture, d’autre part, car les rapports de force sont constamment à l’œuvre dans Les Bonnes Manières, oppressant les personnages. On y voit l’opulence et la modernité des riches blancs vivant dans des gratte-ciels opposés aux quartiers pauvres où une majorité de noirs et de métisses habitent.

Plongée dans le fantastique

Les Bonnes Manières opère une plongée en douceur dans son univers fantastique. D’abord, c’est par la technique du matte painting que l’étrangeté se déploie au sein du film. Ce procédé cinématographique consiste à insérer des faux fonds, peints à la main. Les teintes employées baignent le ciel de douces couleurs violettes ou d’inquiétantes lueurs vertes les soirs de pleine lune. Cet effet visuel est un véritable atout, esthétique d’une part, mais aussi pour parsemer d’étranges éléments dans le cours d’un récit au départ très réaliste.

L’histoire se passe à Sao Paulo mais un Sao Paulo de conte de fées.

Juliana Rojas, coréalisatrice des Bonnes Manières

L’élément fantastique majeur des Bonnes Manières est bien entendu le loup-garou. Le tour de force du film est de nous faire croire à l’existence de cette bête. D’une part, car les effets spéciaux sont crédibles, d’autre part, car on ne peut s’empêcher d’éprouver la dureté de la vie de ce personnage et de ressentir pour lui de l’empathie, voire de la tendresse.

Avoir opté pour ce personnage-là n’est pas anodin pour Juliana Rojas et Marco Dutra, le mythe du loup-garou étant très ancré dans le folklore brésilien. Selon les réalisateurs, il y a même différentes raisons selon lesquelles quelqu’un pourrait devenir un loup-garou (parce qu’il n’est pas baptisé, a commis un inceste, a eu des relations sexuelles avec un prêtre…), ce avec quoi ils jouent tout au long du film.

Les Bonnes Manières - Juliana Rojas - Marco Dutra - Marjorie Estiano - Isabél Zuaa - Milieu Hostile
© Rui Pocas

Enfin, l’un des ressorts des contes de fées à la Disney est superbement exploité : la chanson originale. Magnifiant les sentiments et les itinéraires des personnages, les chansons composées pour le film sont de puissants et justes artifices. Notamment la scène dite de « la traversée », où l’aspect conte de fées sombre des Bonnes Manières est plus présent que jamais, sublimé par une chanson originale qui souffle aux personnages les réponses à leurs questionnements. Pour saisir toutes les subtilités de ces paroles, mieux vaut regarder le film en sous-titré.

Les Bonnes Manières - Juliana Rojas - Marco Dutra - Marjorie Estiano - Isabél Zuaa - Milieu Hostile

Les Bonnes Manières, un film d’amour

On peut affirmer que Les Bonnes Manières est un récit fantastique autant qu’un film sur l’amour. L’amour conjugal entre deux femmes que tout oppose, dans une première partie, puis l’amour filial, entre un enfant et sa mère, qu’elle soit biologique ou non.

La seconde partie du film en est l’exemple le plus frappant. On y voit une femme élever son fils, du mieux qu’elle peut et de tout son cœur, essayant de le protéger des autres –  et de lui-même aussi – pour qu’il puisse vivre tel qu’il est. Cette abnégation d’une mère pour son enfant est tout simplement bouleversante.

Cette dédicace de soi à l’autre, on la retrouve aussi dans la façon dont Les Bonnes Manières aborde le thème de la maternité. La grossesse d’Ana, jouée par l’épatante Marjorie Estiano, est montrée comme un sacrifice pour donner la vie. Ana s’abîme au fur et à mesure dans la solitude et sa grossesse ne semble être qu’un mal qui la ronge. Pour preuve, l’inquiétude qui envahit son visage lors des séances d’échographies, et qui se teinte de plus en plus d’effroi, jusqu’à sa délivrance.

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Pour aller plus loin

Les Bonnes Manières sur le site d’Arte et chez le distributeur Jour2Fête