Interview avec Eric Maneval

Eric Maneval

La sortie en poche prochainement d’Inflammation et sa rencontre au festival du livre de poche à Gradignan nous ont donné envie de poser quelques questions à Éric Maneval.

Eric Maneval, mis à part un laconique quatrième de couverture, on vous connaît peu, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
J’ai 50 ans. J’habite Marseille depuis une quinzaine d’années. Je travaille la nuit dans un foyer et l’après midi dans une librairie d’occasion. Je fais aussi pas mal de musique dans divers groupes, plutôt de la musique tropicale. Je lis beaucoup, j’écris un peu.

Nous vous découvrons chez Écorce en 2009 avec Retour à la nuit et j’ai le souvenir d’avoir lu que vous aviez déplacé l’intrigue de ce roman, qui se passait initialement à Marseille, pour être publié grâce à un nouvel ancrage régional…
Il se passait initialement et exactement à Aubagne. J’avais publié des chapitres sur le forum polarnoir, sans terminer le récit. Plus tard, Cyril Herry, qui souhaitait lancer sa maison d’édition Écorce m’a fait l’honneur de choisir ce texte inachevé pour inaugurer sa collection. Nous ne nous connaissions pas, je suis allé passer quelques jours chez lui, il habitait à l’époque une maison dans la forêt, nous avons décidé de délocaliser le récit, il a suffi de repérer quelques lieux.

 

Il n’y a pas de fond, pas de message, pas de diversion, pas de réflexion. Il y a juste des personnages pris par un engrenage.

Écorce puis la collection Territori à la Manufacture de livres, toujours Cyril Herry, parlez-nous des rapports qui vous unissent.
Cyril raisonne comme un artiste. Je sais que pour les deux livres sur lesquels nous avons travaillé, il a perçu quelque chose qui satisfaisait son esprit. Je ne sais pas quoi exactement, je sais seulement qu’à partir de là, il ne m’a jamais imposé quoi que ce soit, il parvient à créer une bulle hermétique où seule compte l’écriture, la lecture, le livre, bien loin de tout impératif commercial. Une fois le texte terminé, il fabrique soigneusement de beaux objets. Cela me convient parfaitement.

Revenons à Retour à la nuit, quel est le point de départ de ce roman au Eric Maneval - 10/18premier chapitre marquant ?
Le projet était d’écrire un thriller lisible par les jeunes avec lesquels je travaille. Il fallait donc que ce soit percutant, court, facile à lire, addictif. C’est purement formel. Je voulais aussi qu’il soit un bon thriller, un texte entièrement porté par sa mécanique. Il n’y a pas de fond, pas de message, pas de diversion, pas de réflexion. Il y a juste des personnages pris par un engrenage.

Le poste de veilleur de nuit dans un foyer d’enfant à caractère social, ses rapports avec les éducs…. Tout est très fouillé, comment avez-vous travaillé ?
En fait, il m’arrive d’intervenir dans des instituts de formation sur le sujet du veilleur de nuit dans les structures d’hébergement d’enfants. C’est un poste sur lequel n’existe aucune littérature professionnelle, ni même de textes de lois bien précis sur son rôle exact, ses prérogatives, J’ai fait des cours là-dessus, des cours à suspense, ou je démontrais comment un personnage aussi neutre et insignifiant dans la structure, éloigné des projets pédagogiques, des réunions, des diverses supervisions psychologiques, devait – face aux problèmes qu’il rencontrait, toujours seul, dans son travail (angoisse, violence, désir, tout ce qu’on veut…) –  former sa propre cuirasse, son propre savoir, ses propres outils. Mon cours (à suspense) démontrait qu’un tel personnage pouvait très bien exercer des années en étant, violent, libidineux, pervers, tout ce qu’on peut imaginer, sans que l’équipe de jour ne puisse se douter de quelque chose Tout cela transparait dans le roman, le personnage est seul.

Ensuite, mais tout est lié, Inflammation en 2016…

Territori - La Manufacture de livres

Question bête, mais on sait que vous travaillez, pourquoi tant de temps entre ces deux romans ?
 Je suis lent et rien ne m’oblige à écrire, mais entre temps, j’ai quand même écrit un roman « polar » sur l’affaire de Rennes le Château (Rennes le château tome sang chez Terre de Brume coll.Polars et grimoires).Terre de Brume

Sans dévoiler la fin, quel est le point de départ d’Inflammation ?
Le point de départ se situe dans la volonté d’écrire un truc à la Denis Etchison, l’auteur de California Gothic, un roman que je vénère. Il y avait aussi l’idée de produire un roman de genre (polar, angoisse, fantastique) à double lecture. Ensuite j’ai oublié le point de départ. Il m’est difficile d’en parler sans commencer à dévoiler des choses, la seule chose que je peux dire, c’est que si tout cela n’est pas vrai, tout cela n’en est pas moins réel.

Je lui ai retrouvé parfois une ambiance à The Leftovers, qu’en dites-vous ?
Je n’ai pas vu la série mais il me semble, bien que n’y connaissant pas grand-chose en série, que mon roman ressemble assez à une saison 1.

Que ce soit celui-ci, ou le précédent, il est question d’hypnose, de medium, voyance… Vous nous en dites plus ?
Oui, en fait, je suis assez passionné par l’histoire des sciences occultes et de la psychanalyse. J’y trouve un fort intérêt littéraire, un fort intérêt criminogène. Plus prosaïquement, faire intervenir une voyante ou un magnétiseur permet de faire dire des choses en économisant 50 pages, on peut lui faire dire ce qu’on veut !

La rivière aussi, est très marquante dans ces deux livres… Un hasard ?
Non, c’est parce que j’ai vouée mon enfance à la pratique du canoé-kayak, à une époque ou c’était un sport d’aventure, marginal, sauvage.. J’ai commencé très jeune et ai vécu les plus grandes peurs de ma vie dans des rivières (je crois que je connais toutes les rivières à eaux vives du Sud, des Alpes et du centre de la France) , il va falloir que je trouve autre chose pour la suite.

Eric Maneval - 10/18

On y retrouve Teddy Romero, même s’il n’est pas le protagoniste principal des deux romans – ce qui est très intéressant comme positionnement.
Il sera certainement dans le prochain. Je l’aime bien, c’est un flic, enfin on imagine qu’il est flic, on ne sait pas trop, je pense qu’inconsciemment j’ai été influencé par Mortelle Randonnée de Marc Behm et son enquêteur borderline.

Et les personnages ne fument quasiment que des Camel – ce qui devient rare avec toutes ces lois…
Je suis inexorablement fumeur et fétichiste du paquet avec le chameau.

Un des personnages joue de la guitare, comme vous, mais vous n’êtes pas du genre à placer de multiples références dans vos livres. Quel est pour vous le rapport entre littérature et musique ?
Comme lecteur de polar, je n’aime les références musicales que lorsqu’elles ont un sens criminogène précis (comme chez Marc Villard par exemple), sinon ça m’égare. Rien ne dit que je vais percevoir le morceau tel que le présume l’auteur, au cas où je connaisse le morceau. Si je ne le connais pas, j’ai l’impression de passer à coté de quelque chose, alors que dans la plupart des cas, je ne passe à coté de rien. C’est à utiliser avec beaucoup de précautions. En revanche, quelquefois je me dis, untel écrit comme Jimmy Page, comme Pat Metheny ou comme John Scofield, ou même Manitas de Plata. Faudra que je mette tout ça sur un tableau. Sinon, je cloisonne totalement mon activité d’écrivain et celle de musicien. La première est vraiment intime, la seconde collective et festive.

Et, la question classique de fin, un livre avant 2023 ?
Je prévoie quelque chose qui pourrait être comme la saison 2 d’Inflammation, car peut-être que Teddy Roméro n’était pas là par hasard, peut être qu’il y a un lien entre les deux histoires.

Pour aller plus loin

La collection Territori, et notre interview avec Cyril Herry.
Eric Maneval sur le site de La Manufacture de livres, et chez 10/18.
À lire, la critique d’Encore du noir ! pour Rennes-le-Château, Tome sang.

Interview avec Eric Maneval - Milieu Hostile

Interview avec Eric Maneval

Eric Maneval

La sortie en poche prochainement d’Inflammation et sa rencontre au festival du livre de poche à Gradignan nous ont donné envie de poser quelques questions à Éric Maneval.

Eric Maneval, mis à part un laconique quatrième de couverture, on vous connaît peu, pourriez-vous nous en dire plus sur vous ?
J’ai 50 ans. J’habite Marseille depuis une quinzaine d’années. Je travaille la nuit dans un foyer et l’après midi dans une librairie d’occasion. Je fais aussi pas mal de musique dans divers groupes, plutôt de la musique tropicale. Je lis beaucoup, j’écris un peu.

Nous vous découvrons chez Écorce en 2009 avec Retour à la nuit et j’ai le souvenir d’avoir lu que vous aviez déplacé l’intrigue de ce roman, qui se passait initialement à Marseille, pour être publié grâce à un nouvel ancrage régional…
Il se passait initialement et exactement à Aubagne. J’avais publié des chapitres sur le forum polarnoir, sans terminer le récit. Plus tard, Cyril Herry, qui souhaitait lancer sa maison d’édition Écorce m’a fait l’honneur de choisir ce texte inachevé pour inaugurer sa collection. Nous ne nous connaissions pas, je suis allé passer quelques jours chez lui, il habitait à l’époque une maison dans la forêt, nous avons décidé de délocaliser le récit, il a suffi de repérer quelques lieux.

 

Il n’y a pas de fond, pas de message, pas de diversion, pas de réflexion. Il y a juste des personnages pris par un engrenage.

Écorce puis la collection Territori à la Manufacture de livres, toujours Cyril Herry, parlez-nous des rapports qui vous unissent.
Cyril raisonne comme un artiste. Je sais que pour les deux livres sur lesquels nous avons travaillé, il a perçu quelque chose qui satisfaisait son esprit. Je ne sais pas quoi exactement, je sais seulement qu’à partir de là, il ne m’a jamais imposé quoi que ce soit, il parvient à créer une bulle hermétique où seule compte l’écriture, la lecture, le livre, bien loin de tout impératif commercial. Une fois le texte terminé, il fabrique soigneusement de beaux objets. Cela me convient parfaitement.

Revenons à Retour à la nuit, quel est le point de départ de ce roman au Eric Maneval - 10/18premier chapitre marquant ?
Le projet était d’écrire un thriller lisible par les jeunes avec lesquels je travaille. Il fallait donc que ce soit percutant, court, facile à lire, addictif. C’est purement formel. Je voulais aussi qu’il soit un bon thriller, un texte entièrement porté par sa mécanique. Il n’y a pas de fond, pas de message, pas de diversion, pas de réflexion. Il y a juste des personnages pris par un engrenage.

Le poste de veilleur de nuit dans un foyer d’enfant à caractère social, ses rapports avec les éducs…. Tout est très fouillé, comment avez-vous travaillé ?
En fait, il m’arrive d’intervenir dans des instituts de formation sur le sujet du veilleur de nuit dans les structures d’hébergement d’enfants. C’est un poste sur lequel n’existe aucune littérature professionnelle, ni même de textes de lois bien précis sur son rôle exact, ses prérogatives, J’ai fait des cours là-dessus, des cours à suspense, ou je démontrais comment un personnage aussi neutre et insignifiant dans la structure, éloigné des projets pédagogiques, des réunions, des diverses supervisions psychologiques, devait – face aux problèmes qu’il rencontrait, toujours seul, dans son travail (angoisse, violence, désir, tout ce qu’on veut…) –  former sa propre cuirasse, son propre savoir, ses propres outils. Mon cours (à suspense) démontrait qu’un tel personnage pouvait très bien exercer des années en étant, violent, libidineux, pervers, tout ce qu’on peut imaginer, sans que l’équipe de jour ne puisse se douter de quelque chose Tout cela transparait dans le roman, le personnage est seul.

Ensuite, mais tout est lié, Inflammation en 2016…

Territori - La Manufacture de livres

Question bête, mais on sait que vous travaillez, pourquoi tant de temps entre ces deux romans ?
 Je suis lent et rien ne m’oblige à écrire, mais entre temps, j’ai quand même écrit un roman « polar » sur l’affaire de Rennes le Château (Rennes le château tome sang chez Terre de Brume coll.Polars et grimoires).Terre de Brume

Sans dévoiler la fin, quel est le point de départ d’Inflammation ?
Le point de départ se situe dans la volonté d’écrire un truc à la Denis Etchison, l’auteur de California Gothic, un roman que je vénère. Il y avait aussi l’idée de produire un roman de genre (polar, angoisse, fantastique) à double lecture. Ensuite j’ai oublié le point de départ. Il m’est difficile d’en parler sans commencer à dévoiler des choses, la seule chose que je peux dire, c’est que si tout cela n’est pas vrai, tout cela n’en est pas moins réel.

Je lui ai retrouvé parfois une ambiance à The Leftovers, qu’en dites-vous ?
Je n’ai pas vu la série mais il me semble, bien que n’y connaissant pas grand-chose en série, que mon roman ressemble assez à une saison 1.

Que ce soit celui-ci, ou le précédent, il est question d’hypnose, de medium, voyance… Vous nous en dites plus ?
Oui, en fait, je suis assez passionné par l’histoire des sciences occultes et de la psychanalyse. J’y trouve un fort intérêt littéraire, un fort intérêt criminogène. Plus prosaïquement, faire intervenir une voyante ou un magnétiseur permet de faire dire des choses en économisant 50 pages, on peut lui faire dire ce qu’on veut !

La rivière aussi, est très marquante dans ces deux livres… Un hasard ?
Non, c’est parce que j’ai vouée mon enfance à la pratique du canoé-kayak, à une époque ou c’était un sport d’aventure, marginal, sauvage.. J’ai commencé très jeune et ai vécu les plus grandes peurs de ma vie dans des rivières (je crois que je connais toutes les rivières à eaux vives du Sud, des Alpes et du centre de la France) , il va falloir que je trouve autre chose pour la suite.

Eric Maneval - 10/18

On y retrouve Teddy Romero, même s’il n’est pas le protagoniste principal des deux romans – ce qui est très intéressant comme positionnement.
Il sera certainement dans le prochain. Je l’aime bien, c’est un flic, enfin on imagine qu’il est flic, on ne sait pas trop, je pense qu’inconsciemment j’ai été influencé par Mortelle Randonnée de Marc Behm et son enquêteur borderline.

Et les personnages ne fument quasiment que des Camel – ce qui devient rare avec toutes ces lois…
Je suis inexorablement fumeur et fétichiste du paquet avec le chameau.

Un des personnages joue de la guitare, comme vous, mais vous n’êtes pas du genre à placer de multiples références dans vos livres. Quel est pour vous le rapport entre littérature et musique ?
Comme lecteur de polar, je n’aime les références musicales que lorsqu’elles ont un sens criminogène précis (comme chez Marc Villard par exemple), sinon ça m’égare. Rien ne dit que je vais percevoir le morceau tel que le présume l’auteur, au cas où je connaisse le morceau. Si je ne le connais pas, j’ai l’impression de passer à coté de quelque chose, alors que dans la plupart des cas, je ne passe à coté de rien. C’est à utiliser avec beaucoup de précautions. En revanche, quelquefois je me dis, untel écrit comme Jimmy Page, comme Pat Metheny ou comme John Scofield, ou même Manitas de Plata. Faudra que je mette tout ça sur un tableau. Sinon, je cloisonne totalement mon activité d’écrivain et celle de musicien. La première est vraiment intime, la seconde collective et festive.

Et, la question classique de fin, un livre avant 2023 ?
Je prévoie quelque chose qui pourrait être comme la saison 2 d’Inflammation, car peut-être que Teddy Roméro n’était pas là par hasard, peut être qu’il y a un lien entre les deux histoires.

Pour aller plus loin

La collection Territori, et notre interview avec Cyril Herry.
Eric Maneval sur le site de La Manufacture de livres, et chez 10/18.
À lire, la critique d’Encore du noir ! pour Rennes-le-Château, Tome sang.