Retour du Festival de Beaune 2016

Festival de Beaune 2016

Festival de Beaune 2016, huitième édition, une programmation toujours aussi éclectique, à la découverte du monde entier.

Un festival qui permet toujours autant de converser avec les acteurs ou réalisateurs et de se voir offrir Brian de Palma en masterclass. Malgré un visionnage intense, nous n’avons pu tout voir tant il y avait à regarder, nous vous proposons quatre films, qui sont, selon nous, à ne pas manquer.

Man on High Heels

Le film du Coréen Jang Jin a reçu le Grand Prix du festival, récompense amplement méritée tant il était l’œuvre la plus recherchée et la plus originale de la compétition.

Man on High Heels de Jang Jin / Beaune 2016Man on High Heels est un film fait d’ambivalences, fin malgré sa violence, mêlant des peintures de sentiments les plus délicats aux scènes d’action les plus sanglantes. Le film joue sur les archétypes, non par parodie, mais au contraire avec la plus grande adresse, afin de montrer au mieux l’absurde de la situation de son personnage principal. Ceux du film policier tout d’abord, en mettant en scène Ji-wook (incarné par Cha Seung-won), cet inspecteur présenté comme le meilleur flic de la ville, celui à qui n’échappe aucun malfrat, capable de se battre contre des quinzaines d’assaillants, toujours à mains nues, et en ressortir sans une égratignure. Sa figure publique n’est que professionnalisme et virilité, ses attributs physiques sont par ailleurs loués par un membre de la mafia dès la scène d’ouverture.

Jang Jin oppose à cette vision idéale, la vie privée de ce personnage, avec des ruptures visuelles à l’œuvre. C’est que Ji-wook ne rêve que de devenir une femme, et que pour achever sa transformation, il est dans l’obligation de quitter son travail. Le film plonge ainsi son spectateur dans l’ambiguïté du quotidien de Ji-wook, entre prises d’hormones clandestines et éclats de violence, mais aussi au sein de son dilemme intérieur, rester dans la police et exercer ce qu’il sait faire au mieux ou tout laisser pour devenir celle qu’il est.

Man on High Heels de Jang Jin / Beaune 2016
Cha Seung-won

Man on High Heels n’est fait que de ruptures entre ce monde extérieur, où tout n’est qu’apparence, et l’intimité du personnage principal. Pour les illustrer, le réalisateur use là encore d’archétypes, visuels cette fois. La brutalité des scènes d’action, réalisées avec maestria, jouxte des images légèrement floutées de souvenirs d’amours adolescents, tout droit sorties du plus mièvre film de romance. Ce mélange (d)étonnant participe grandement au charme de ce film, qui en usant de canons esthétiques et thématiques accomplit leur démantèlement.

Date de sortie le 20 Juillet 2016.

Les Ardennes

Les Ardennes est le lauréat de la sélection Sang Neuf du festival, qui comporte des films de jeunes réalisateurs, souvent des premiers films, important une touche de nouveauté au sein du genre policier. C’est effectivement le premier long-métrage de son réalisateur, et c’est une réussite.

Les Ardennes de Robin Pront / Beaune 2016Le film raconte le retour de Kenneth auprès de sa mère, et de son frère, après avoir passé quatre ans en prison suite à un cambriolage. Kenneth s’est fait prendre, mais il n’a pas dénoncé ses complices à savoir Sylvie, sa petite amie et son frère. Kenneth est connu pour son tempérament colérique, violent, impulsif ; ce qui explique la réticence qu’a son frère à lui avouer que Sylvie est maintenant sa compagne.
La question du fatum traverse tout le film, c’est d’ailleurs le sujet d’un touchant monologue de Sylvie au sein d’une réunion de narcotiques anonymes. La question du choix s’invite chez les personnages, mais ils ne peuvent y prétendre, ils sont prisonniers des situations qu’ils ont crées, et des relations qu’ils entretiennent avec les autres. L’une des premières images du film illustre très bien leur condition, on y voit un homme, entièrement habillé, tombant dans une piscine, puis revenant à la surface dans un râle, le visage, et donc les voies respiratoires, obstrué par un voile transparent.

Les Ardennes de Robin Pront / Beaune 2016
Kevin Janssens (Kenneth)

L’asphyxie des personnages du film tient en partie à leur soumission aux états excessifs de Kenneth, que personne ne peut contrôler. Le spectateur se retrouve dans la même situation qu’eux, il sait dès le début du film que la tempête Kenneth explosera, mais il ne sait pas quand, ni comment, il est dans l’expectative craintive de cette déflagration, et des conséquences qu’elle engendrera.
Le premier long métrage de Robin Pront est aussi un bel accomplissement visuel, imposant des images percutantes au sein de cette tragédie grecque d’aujourd’hui, captivante et bouleversante.

 

Film sorti le 13 Avril 2016.

Fritz Bauer, un héros allemand

Le film de Lars Kraume semble plus tenir du registre historico-politique que policier, il n’en reste pas moins qu’il suit une traque, et que celle-ci se révèle passionnante.

Le film revient sur les quelques années de la carrière du procureur Fritz Bauer, ayant permis l’arrestation d’Adolf Eichmann. A la fin des années 1950, époque où le film se déroule, Fritz Bauer s’est dévoué depuis plusieurs années à la recherche des anciens dirigeants nazis. Mais arrêter Eichmann et le faire juger serait un coup judiciaire inégalable. Le film suit donc la traque d’Eichmann coulant des jours heureux en Argentine, sous une fausse identité (la scène d’introduction où il donne une interview à un journaliste est stupéfiante), face à lui Fritz Bauer se heurte à un appareil policier et judicaire gangréné par les anciens nazis, et n’a que pour seule solution, celle de trahir son pays en s’alliant avec le Mossad.
Fritz Bauer de Lars Kraume / Beaune 2016

De facture très classique par sa quête parfaitement linéaire, le film est génialement porté par l’acteur Burghart Klaussner, dont la ressemblance avec Fritz Bauer est troublante. Mais il n’y a pas que ce personnage éponyme qui renforce le film, il y a aussi ses adjoints du procureur, et grâce à l’un d’eux, Angerman, le réalisateur Lars Kraume revient sur un fait peu connu, le Paragraphe 175, qui, sous le régime nazi criminalise les homosexuels et qui restera en vigueur après 1945.

 

Film sorti le 13 Avril 2016.

Desierto

Ne le cachons pas, le premier film de Jonás Cuarón (fils d’Alfonso Cuarón, réalisateur des Fils de l’homme et de Gravity notamment) n’est rien de plus que son résumé.

Desierto de Jonás Cuarón / Beaune 2016Un groupe de Mexicains, après avoir passé illégalement la frontière des Etats-Unis, se font tirer dessus en plein désert, par un Américain sûr de son plein droit. Sans spoiler le film, après l’hécatombe du début, l’intrigue se résume rapidement à la traque par l’Américain (terrifiant Jeffrey Dean Morgan) et son chien « good boy Tracker», de deux immigrés restants, Gael Garcia Bernal et Alondra Hidalgo. Dans une nature hostile, désert et chaleur accablante, sans aucune fuite possible (le chien Tracker illustrant bien la maxime « il ne vaut mieux pas l’avoir au cul dans le désert ») ,ni moyen de se cacher, le film tient son heure et demie, sans longueurs, offrant à son spectateur tout ce que l’humain dans ses plus bas instincts peut être, du survivant espérant, au bourreau aveuglé par la haine.

Amateurs de bande annonce passez votre chemin, vous y verriez tout le film…

Film sorti le 13 Avril 2016.

Cet article a été rédigé par Flora Vernaton et Christophe Dupuis.

Pour aller plus loin

Le site du festival de Beaune
Site du film Desierto

Retour du Festival de Beaune 2016 - Milieu Hostile

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Festival de Beaune 2016

Festival de Beaune 2016, huitième édition, une programmation toujours aussi éclectique, à la découverte du monde entier.

Un festival qui permet toujours autant de converser avec les acteurs ou réalisateurs et de se voir offrir Brian de Palma en masterclass. Malgré un visionnage intense, nous n’avons pu tout voir tant il y avait à regarder, nous vous proposons quatre films, qui sont, selon nous, à ne pas manquer.

Man on High Heels

Le film du Coréen Jang Jin a reçu le Grand Prix du festival, récompense amplement méritée tant il était l’œuvre la plus recherchée et la plus originale de la compétition.

Man on High Heels de Jang Jin / Beaune 2016Man on High Heels est un film fait d’ambivalences, fin malgré sa violence, mêlant des peintures de sentiments les plus délicats aux scènes d’action les plus sanglantes. Le film joue sur les archétypes, non par parodie, mais au contraire avec la plus grande adresse, afin de montrer au mieux l’absurde de la situation de son personnage principal. Ceux du film policier tout d’abord, en mettant en scène Ji-wook (incarné par Cha Seung-won), cet inspecteur présenté comme le meilleur flic de la ville, celui à qui n’échappe aucun malfrat, capable de se battre contre des quinzaines d’assaillants, toujours à mains nues, et en ressortir sans une égratignure. Sa figure publique n’est que professionnalisme et virilité, ses attributs physiques sont par ailleurs loués par un membre de la mafia dès la scène d’ouverture.

Jang Jin oppose à cette vision idéale, la vie privée de ce personnage, avec des ruptures visuelles à l’œuvre. C’est que Ji-wook ne rêve que de devenir une femme, et que pour achever sa transformation, il est dans l’obligation de quitter son travail. Le film plonge ainsi son spectateur dans l’ambiguïté du quotidien de Ji-wook, entre prises d’hormones clandestines et éclats de violence, mais aussi au sein de son dilemme intérieur, rester dans la police et exercer ce qu’il sait faire au mieux ou tout laisser pour devenir celle qu’il est.

Man on High Heels de Jang Jin / Beaune 2016
Cha Seung-won

Man on High Heels n’est fait que de ruptures entre ce monde extérieur, où tout n’est qu’apparence, et l’intimité du personnage principal. Pour les illustrer, le réalisateur use là encore d’archétypes, visuels cette fois. La brutalité des scènes d’action, réalisées avec maestria, jouxte des images légèrement floutées de souvenirs d’amours adolescents, tout droit sorties du plus mièvre film de romance. Ce mélange (d)étonnant participe grandement au charme de ce film, qui en usant de canons esthétiques et thématiques accomplit leur démantèlement.

Date de sortie le 20 Juillet 2016.

Les Ardennes

Les Ardennes est le lauréat de la sélection Sang Neuf du festival, qui comporte des films de jeunes réalisateurs, souvent des premiers films, important une touche de nouveauté au sein du genre policier. C’est effectivement le premier long-métrage de son réalisateur, et c’est une réussite.

Les Ardennes de Robin Pront / Beaune 2016Le film raconte le retour de Kenneth auprès de sa mère, et de son frère, après avoir passé quatre ans en prison suite à un cambriolage. Kenneth s’est fait prendre, mais il n’a pas dénoncé ses complices à savoir Sylvie, sa petite amie et son frère. Kenneth est connu pour son tempérament colérique, violent, impulsif ; ce qui explique la réticence qu’a son frère à lui avouer que Sylvie est maintenant sa compagne.
La question du fatum traverse tout le film, c’est d’ailleurs le sujet d’un touchant monologue de Sylvie au sein d’une réunion de narcotiques anonymes. La question du choix s’invite chez les personnages, mais ils ne peuvent y prétendre, ils sont prisonniers des situations qu’ils ont crées, et des relations qu’ils entretiennent avec les autres. L’une des premières images du film illustre très bien leur condition, on y voit un homme, entièrement habillé, tombant dans une piscine, puis revenant à la surface dans un râle, le visage, et donc les voies respiratoires, obstrué par un voile transparent.

Les Ardennes de Robin Pront / Beaune 2016
Kevin Janssens (Kenneth)

L’asphyxie des personnages du film tient en partie à leur soumission aux états excessifs de Kenneth, que personne ne peut contrôler. Le spectateur se retrouve dans la même situation qu’eux, il sait dès le début du film que la tempête Kenneth explosera, mais il ne sait pas quand, ni comment, il est dans l’expectative craintive de cette déflagration, et des conséquences qu’elle engendrera.
Le premier long métrage de Robin Pront est aussi un bel accomplissement visuel, imposant des images percutantes au sein de cette tragédie grecque d’aujourd’hui, captivante et bouleversante.

 

Film sorti le 13 Avril 2016.

Fritz Bauer, un héros allemand

Le film de Lars Kraume semble plus tenir du registre historico-politique que policier, il n’en reste pas moins qu’il suit une traque, et que celle-ci se révèle passionnante.

Le film revient sur les quelques années de la carrière du procureur Fritz Bauer, ayant permis l’arrestation d’Adolf Eichmann. A la fin des années 1950, époque où le film se déroule, Fritz Bauer s’est dévoué depuis plusieurs années à la recherche des anciens dirigeants nazis. Mais arrêter Eichmann et le faire juger serait un coup judiciaire inégalable. Le film suit donc la traque d’Eichmann coulant des jours heureux en Argentine, sous une fausse identité (la scène d’introduction où il donne une interview à un journaliste est stupéfiante), face à lui Fritz Bauer se heurte à un appareil policier et judicaire gangréné par les anciens nazis, et n’a que pour seule solution, celle de trahir son pays en s’alliant avec le Mossad.
Fritz Bauer de Lars Kraume / Beaune 2016

De facture très classique par sa quête parfaitement linéaire, le film est génialement porté par l’acteur Burghart Klaussner, dont la ressemblance avec Fritz Bauer est troublante. Mais il n’y a pas que ce personnage éponyme qui renforce le film, il y a aussi ses adjoints du procureur, et grâce à l’un d’eux, Angerman, le réalisateur Lars Kraume revient sur un fait peu connu, le Paragraphe 175, qui, sous le régime nazi criminalise les homosexuels et qui restera en vigueur après 1945.

 

Film sorti le 13 Avril 2016.

Desierto

Ne le cachons pas, le premier film de Jonás Cuarón (fils d’Alfonso Cuarón, réalisateur des Fils de l’homme et de Gravity notamment) n’est rien de plus que son résumé.

Desierto de Jonás Cuarón / Beaune 2016Un groupe de Mexicains, après avoir passé illégalement la frontière des Etats-Unis, se font tirer dessus en plein désert, par un Américain sûr de son plein droit. Sans spoiler le film, après l’hécatombe du début, l’intrigue se résume rapidement à la traque par l’Américain (terrifiant Jeffrey Dean Morgan) et son chien « good boy Tracker», de deux immigrés restants, Gael Garcia Bernal et Alondra Hidalgo. Dans une nature hostile, désert et chaleur accablante, sans aucune fuite possible (le chien Tracker illustrant bien la maxime « il ne vaut mieux pas l’avoir au cul dans le désert ») ,ni moyen de se cacher, le film tient son heure et demie, sans longueurs, offrant à son spectateur tout ce que l’humain dans ses plus bas instincts peut être, du survivant espérant, au bourreau aveuglé par la haine.

Amateurs de bande annonce passez votre chemin, vous y verriez tout le film…

Film sorti le 13 Avril 2016.

Cet article a été rédigé par Flora Vernaton et Christophe Dupuis.

Pour aller plus loin

Le site du festival de Beaune
Site du film Desierto