Rivages – 30 ans – Hervé Le Corre

Rivages Noir 30 ans Hervé Le CorreAprès quatre livres parus à la Série Noire, Hervé Le Corre arrive chez Rivages en 2004. C’est le début d’une longue histoire jalonnée de succès.

3romans, un recueil de nouvelles et un de ces anciens titres à la Série Noire à reparaître au second semestre, en cette année anniversaire, l’auteur revient sur son rapport à la maison.

Après quatre livres publiés à la Série Noire, tu passes chez Rivages. Comment cela s’est-il fait ?
Le passage de la Série noire à Rivages s’est fait sans douleur ni renoncement. Patrick Raynal, qui était sur le point de quitter Gallimard, n’était pas en mesure d’assurer la sortie de L’homme aux lèvres de saphir, que je lui avais envoyé et qu’il aimait beaucoup. J’ai donc envoyé par la poste (ce que je continue de faire, d’ailleurs : je ne joins un fichier d’ordi que lorsque le truc est accepté) le manuscrit à François Guérif, qui m’a appelé quelques semaines plus tard pour me dire qu’il le prenait. Joie et fierté. Champagne.
L'homme aux lèvres de saphir Rivages 30 ans Hervé Le CorrePour moi, Rivages/Noir, c’était LA collection de romans noirs en France. Inutile de décliner ici les auteurs et les titres au catalogue (on est en 2003-2004) qui représentaient pour moi ce qui se faisait de mieux dans le genre. Pour être précis (et honnête), la Noire, que dirigeait aussi Raynal, était l’autre collection où je trouvais mes plus grands bonheurs de lecture. D’un côté et de l’autre, une seule exigence : la littérature. Le fait qu’elle fût noire lui ajoutait évidemment à mes yeux plus de force, de présence au monde, de puissance d’évocation. Des voix d’écrivains se donnaient à lire. Littérature, écriture. C’est tout ce que je recherche en tant que lecteur. Voir mon livre publié chez Rivages c’était accéder à une forme de reconnaissance de mon travail après plus de dix ans d’anonymat et d’indifférence.

Quel a été leur accueil ?
Lors de cette arrivée chez Rivages, ce qui m’a tout de suite séduit, rassuré, et réchauffé le cœur, c’est le contact humain. L’attention apportée à l’auteur que j’étais. Je me rappellerai toute ma vie du premier déjeuner à Paris avec François Guérif et Jeanne Guyon. Eux deux d’un côté de la table, bienveillants, attentifs. Moi, l’estomac noué, incapable de rien avaler, impressionné comme un gamin, attendant leurs remarques, les menus reproches qu’ils feraient forcément au bouquin. Et puis rien. Ça leur allait comme ça. Il n’y a rien eu de tonitruant dans l’accueil, pas de grandes tapes dans le dos ou de fausse connivence. Des regards, des sourires échangés. Et j’ai su ce jour-là que ces deux-là seraient désormais mes éditeurs si j’étais capable d’écrire autre chose qui leur plairait.
Depuis, bien sûr, les relations se sont approfondies, enrichies. J’ai perdu de ma timidité, j’éprouve de plus en plus d’affection, de respect à l’égard de François et de Jeanne. On a appris à se connaître. Je n’ai guère envie d’en rajouter sur ce chapitre parce que ça relève ensuite de relations personnelles, de complicités discrètes qui se sont établies au fil des mois et des années.

Les coeurs déchiquetés Rivages 30 ans Hervé Le CorreComment se passe le travail sur ton manuscrit ?
Quant au travail sur les textes et alentour, là encore le respect de l’auteur est la pierre angulaire. François prend la décision d’accepter ou non un manuscrit. J’envoie toujours le texte terminé, lu et relu (ce qui n’empêche jamais coquilles et fautes de frappe). Pas question pour moi de soumettre des ébauches, des étapes. Je crois savoir que d’autres le font. Mais pour moi, écrire est un exercice de solitude, de doute (ô combien !), d’angoisse, sans parler du plaisir profond que ça procure. Ça passe ou ça casse, pas de négociation de cet ordre ! Donc, après la décision de Guérif, que j’attends toujours avec inquiétude, le travail sur le texte se fait avec Jeanne Guyon, quelques semaines avant la mise en fabrication. Ça consiste à éliminer les fautes, les redites, les erreurs de chronologie, quelques incohérences, c’est selon. Mais le texte demeure, à 99,99%, celui que j’ai soumis. Tout cela se passe au téléphone, chacun devant son écran d’ordi, et j’adore ça, des fois j’ai honte d’avoir laissé passer une incongruité mais Jeanne me rassure, « mais non, dit-elle, c’est pas grand-chose, mais bon, c’est un peu bizarre comme formulation, je crois qu’il vaut mieux changer ça », et moi de battre ma coulpe…
Voilà. Ensuite, au moment de la publication, entre en action Hind Boutaljante, l’attachée de presse bien connue, une vraie complice elle aussi, qui se bat comme une dingue pour les bouquins, comme le faisait avant elle, hommage et salut amical, Agnès Guéry. Là encore, ce sont des coups de fil, des mails, des échanges plutôt sympas et marrants.
De toute façon, chez Rivages, quel que soit le domaine d’activité, j’ai affaire à des gens assez formidables, toujours attentifs, chaleureux… D’aucuns vont trouver un peu ingénue cette évocation, et je m’en fous, c’est ainsi que ça se passe et que je le vis.
Exigence, respect, amitié. C’est tout ce qui compte pour moi.
Et puis, autant être clair : le fait de voir un de mes manuscrits accepté par François Guérif est en soi une énorme satisfaction et une grande fierté. Peu importe, par la suite, la réception du bouquin par les lecteurs ou les critiques.

Après la guerre Rivages 30 ans Hervé Le CorreDoutes-tu à chaque livre envoyé ?
Évidemment. Je suis incapable de juger de la valeur d’un bouquin une fois qu’il est terminé, ou du moins une fois que j’ai décidé que j’avais fait tout mon possible pour au moins éviter un naufrage complet. Du coup, je n’en mène pas large en attendant la réponse de François. Et cela donne à son accord d’autant plus de prix à mes yeux qu’il aurait pu dire non, et que je le redoutais. Et puis soyons clair : être publié par François Guérif – et il est impossible de ne pas associer Jeanne Guyon à cette réception du manuscrit – est en soi une reconnaissance de travail qu’on a fourni, c’est la conviction qu’on n’a pas raté la cible qu’on s’était choisie, et cela revient à embarquer pour une nouvelle traversée à bord d’un beau navire dont on admire la plupart des voyageurs. On y aura de nouveau une cabine, on croisera du beau linge dans les coursives…

Dernière station avant l'autoroute Hugues Pagan - Rivages 30 ans Hervé Le CorrePeux-tu nous donner tes 5 livres de chevet Rivages/Noir ?
Pas des livres de chevet, non, mais des romans qui m’ont marqué, dont je garde un souvenir particulier. Il y en a tant d’autres.
Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous, de Laurie-Lynn Drummond ; Voleurs, de Christopher Cook ; Off minor, de John Harvey ; La mort du petit cœur, de Daniel Woodrell ; Dernière station avant l’autoroute, de Hugues Pagan. Ah, un sixième : Bone, de George Chesbro.

Texte extrait d’un article à paraître dans le prochain numéro de la revue 813

Pour aller plus loin

Hervé Le Corre chez son éditeur
Le blog de l’association 813

Rivages – 30 ans – Hervé Le Corre - Milieu Hostile

Rivages – 30 ans – Hervé Le Corre

Rivages Noir 30 ans Hervé Le CorreAprès quatre livres parus à la Série Noire, Hervé Le Corre arrive chez Rivages en 2004. C’est le début d’une longue histoire jalonnée de succès.

3romans, un recueil de nouvelles et un de ces anciens titres à la Série Noire à reparaître au second semestre, en cette année anniversaire, l’auteur revient sur son rapport à la maison.

Après quatre livres publiés à la Série Noire, tu passes chez Rivages. Comment cela s’est-il fait ?
Le passage de la Série noire à Rivages s’est fait sans douleur ni renoncement. Patrick Raynal, qui était sur le point de quitter Gallimard, n’était pas en mesure d’assurer la sortie de L’homme aux lèvres de saphir, que je lui avais envoyé et qu’il aimait beaucoup. J’ai donc envoyé par la poste (ce que je continue de faire, d’ailleurs : je ne joins un fichier d’ordi que lorsque le truc est accepté) le manuscrit à François Guérif, qui m’a appelé quelques semaines plus tard pour me dire qu’il le prenait. Joie et fierté. Champagne.
L'homme aux lèvres de saphir Rivages 30 ans Hervé Le CorrePour moi, Rivages/Noir, c’était LA collection de romans noirs en France. Inutile de décliner ici les auteurs et les titres au catalogue (on est en 2003-2004) qui représentaient pour moi ce qui se faisait de mieux dans le genre. Pour être précis (et honnête), la Noire, que dirigeait aussi Raynal, était l’autre collection où je trouvais mes plus grands bonheurs de lecture. D’un côté et de l’autre, une seule exigence : la littérature. Le fait qu’elle fût noire lui ajoutait évidemment à mes yeux plus de force, de présence au monde, de puissance d’évocation. Des voix d’écrivains se donnaient à lire. Littérature, écriture. C’est tout ce que je recherche en tant que lecteur. Voir mon livre publié chez Rivages c’était accéder à une forme de reconnaissance de mon travail après plus de dix ans d’anonymat et d’indifférence.

Quel a été leur accueil ?
Lors de cette arrivée chez Rivages, ce qui m’a tout de suite séduit, rassuré, et réchauffé le cœur, c’est le contact humain. L’attention apportée à l’auteur que j’étais. Je me rappellerai toute ma vie du premier déjeuner à Paris avec François Guérif et Jeanne Guyon. Eux deux d’un côté de la table, bienveillants, attentifs. Moi, l’estomac noué, incapable de rien avaler, impressionné comme un gamin, attendant leurs remarques, les menus reproches qu’ils feraient forcément au bouquin. Et puis rien. Ça leur allait comme ça. Il n’y a rien eu de tonitruant dans l’accueil, pas de grandes tapes dans le dos ou de fausse connivence. Des regards, des sourires échangés. Et j’ai su ce jour-là que ces deux-là seraient désormais mes éditeurs si j’étais capable d’écrire autre chose qui leur plairait.
Depuis, bien sûr, les relations se sont approfondies, enrichies. J’ai perdu de ma timidité, j’éprouve de plus en plus d’affection, de respect à l’égard de François et de Jeanne. On a appris à se connaître. Je n’ai guère envie d’en rajouter sur ce chapitre parce que ça relève ensuite de relations personnelles, de complicités discrètes qui se sont établies au fil des mois et des années.

Les coeurs déchiquetés Rivages 30 ans Hervé Le CorreComment se passe le travail sur ton manuscrit ?
Quant au travail sur les textes et alentour, là encore le respect de l’auteur est la pierre angulaire. François prend la décision d’accepter ou non un manuscrit. J’envoie toujours le texte terminé, lu et relu (ce qui n’empêche jamais coquilles et fautes de frappe). Pas question pour moi de soumettre des ébauches, des étapes. Je crois savoir que d’autres le font. Mais pour moi, écrire est un exercice de solitude, de doute (ô combien !), d’angoisse, sans parler du plaisir profond que ça procure. Ça passe ou ça casse, pas de négociation de cet ordre ! Donc, après la décision de Guérif, que j’attends toujours avec inquiétude, le travail sur le texte se fait avec Jeanne Guyon, quelques semaines avant la mise en fabrication. Ça consiste à éliminer les fautes, les redites, les erreurs de chronologie, quelques incohérences, c’est selon. Mais le texte demeure, à 99,99%, celui que j’ai soumis. Tout cela se passe au téléphone, chacun devant son écran d’ordi, et j’adore ça, des fois j’ai honte d’avoir laissé passer une incongruité mais Jeanne me rassure, « mais non, dit-elle, c’est pas grand-chose, mais bon, c’est un peu bizarre comme formulation, je crois qu’il vaut mieux changer ça », et moi de battre ma coulpe…
Voilà. Ensuite, au moment de la publication, entre en action Hind Boutaljante, l’attachée de presse bien connue, une vraie complice elle aussi, qui se bat comme une dingue pour les bouquins, comme le faisait avant elle, hommage et salut amical, Agnès Guéry. Là encore, ce sont des coups de fil, des mails, des échanges plutôt sympas et marrants.
De toute façon, chez Rivages, quel que soit le domaine d’activité, j’ai affaire à des gens assez formidables, toujours attentifs, chaleureux… D’aucuns vont trouver un peu ingénue cette évocation, et je m’en fous, c’est ainsi que ça se passe et que je le vis.
Exigence, respect, amitié. C’est tout ce qui compte pour moi.
Et puis, autant être clair : le fait de voir un de mes manuscrits accepté par François Guérif est en soi une énorme satisfaction et une grande fierté. Peu importe, par la suite, la réception du bouquin par les lecteurs ou les critiques.

Après la guerre Rivages 30 ans Hervé Le CorreDoutes-tu à chaque livre envoyé ?
Évidemment. Je suis incapable de juger de la valeur d’un bouquin une fois qu’il est terminé, ou du moins une fois que j’ai décidé que j’avais fait tout mon possible pour au moins éviter un naufrage complet. Du coup, je n’en mène pas large en attendant la réponse de François. Et cela donne à son accord d’autant plus de prix à mes yeux qu’il aurait pu dire non, et que je le redoutais. Et puis soyons clair : être publié par François Guérif – et il est impossible de ne pas associer Jeanne Guyon à cette réception du manuscrit – est en soi une reconnaissance de travail qu’on a fourni, c’est la conviction qu’on n’a pas raté la cible qu’on s’était choisie, et cela revient à embarquer pour une nouvelle traversée à bord d’un beau navire dont on admire la plupart des voyageurs. On y aura de nouveau une cabine, on croisera du beau linge dans les coursives…

Dernière station avant l'autoroute Hugues Pagan - Rivages 30 ans Hervé Le CorrePeux-tu nous donner tes 5 livres de chevet Rivages/Noir ?
Pas des livres de chevet, non, mais des romans qui m’ont marqué, dont je garde un souvenir particulier. Il y en a tant d’autres.
Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous, de Laurie-Lynn Drummond ; Voleurs, de Christopher Cook ; Off minor, de John Harvey ; La mort du petit cœur, de Daniel Woodrell ; Dernière station avant l’autoroute, de Hugues Pagan. Ah, un sixième : Bone, de George Chesbro.

Texte extrait d’un article à paraître dans le prochain numéro de la revue 813

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